Le projet de réforme de la TVA pour les auto-entrepreneurs pourrait faire marche arrière. Alors que la décision de son abaissement doit à priori être tranchée d’ici le 1er juin, le Sénat s’est penché sur la question. Ses conclusions sont sans appel : il appelle à « l’abandon » de la réforme.
Une réforme technique devenue hautement politique
Rappel des faits. Aujourd’hui, les auto-entrepreneurs qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 37 500 € (ou 85 000 € pour les activités commerciales) bénéficient d’une exonération de TVA (hors seuils majorés). Cette franchise est un des piliers du régime : elle permet une gestion simplifiée et allège les démarches comptables.
Or, le projet d’abaissement des seuils d’exemption de TVA à 25 000 €, prévu dans la loi de finances 2025, a fait l’effet d’une bombe. Vécue comme un véritable coup de canif pour des milliers de micro-entrepreneurs, cette mesure pèserait lourd sur leur budget, alourdirait leur fiscalité, découragerait des vocations et pourrait favoriser le travail « au noir ».
Une pétition demandant la suppression pure et simple de cette réforme avait recueilli, en quelques jours, plus de 100 000 signatures. De quoi pousser les sénateurs à se pencher sur la question.
Une réforme « improvisée »
Une mission « flash » a ainsi été menée par la commission des finances depuis la mi-mars. Au terme de trois semaines de travail et d’auditions, les conclusions ont été rendues le 9 avril : le Sénat appelle ainsi à « l’abandon » pur et simple de la réforme.
Il critique une « réforme improvisée », un « manque de concertation », et estime que, pour cette raison, « les conditions d’acceptabilité et de mise en œuvre opérationnelle [de la réforme] ne sont pas réunies ».
Pour le rapporteur général de la Commission des finances du Sénat, Jean-François Husson (LR), « cet abaissement des seuils priverait du bénéfice de la franchise en base environ 200 000 entreprises, sur un total de 2,1 millions d’entreprises actuellement éligibles à ce régime, soit une proportion de 10 % des entreprises éligibles ».
L’argument de la concurrence pour les artisans non justifié
Pour justifier cette réforme, le Gouvernement avait initialement repris l’argument des artisans, notamment ceux dans le domaine du BTP. Ils dénoncent une concurrence jugée déloyale : des auto-entrepreneurs réaliseraient les mêmes prestations que les professionnels du BTP, mais avec un régime de charges allégé.
Jean-François Husson a battu en brèche cet argument, arguant que « la seule justification de cette mesure était de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État ».
Dans un souci de conciliation, l’exécutif avait proposé un amendement le 8 avril à l’Assemblée, suggérant un seuil de TVA de 25 000 € pour le secteur du bâtiment et 37 500 € pour les autres secteurs, mais celui-ci a été jugé irrecevable.
Dans l’attente d’un épilogue prochain sur ce dossier, François Hurel, le président de l’Union des Auto-entrepreneurs, s’est félicité que le Sénat reconnaisse « l’impréparation de la mesure » et son « évident aspect négatif pour l’entrepreneuriat et l’esprit d’initiative » en France.